D’Aberdeen aux Highlands, le voyage à pieds de 3 amis à la découverte du whisky, de la nature et de la culture écossaise.

06 août 2013 : 06h44. Glenfiddich.

Réveil au son des corneilles. Il fait 12°C. La nuit a été très froide. Au moins autant que les écossais sont chaleureux. Nous sommes à quelques encablures de la distillerie de Glenfiddich, dans un champ en jachère suffisamment peu en pente pour planter nos tentes.

Tout est humidité. Il va falloir une bonne dose de whisky pour nous réchauffer. A ce propos, nous n’avons pas perdu de temps pour les déguster, ces fameuses eaux de vie écossaises.

Il y a 24h nous descendions du RER, à Roissy-Charles de Gaulle. Après notre atterrissage à Aberdeen via Birmingham, le train nous a emmené jusqu’à Keith. Jusqu’ici tout va bien. Si, à Aberdeen, capitale du pétrole offshore, le temps était couvert, à Keith, il pleut. « Cats and dogs », comme on dit ici.

Mais c’était sans compter sur notre bonne étoile. Ce 5 août 2013, elle s’appelle Sandra, la cinquantaine, rencontrée au départ sur le quai de la gare. Elle souriait en nous voyant lutter contre une mouette voleuse de sandwich.

Sachant que nous nous apprêtions à partir pour une marche de 20km sous la pluie, elle est revenue, pour nous proposer de nous emmener à destination : Dufftown. Au cœur du pays des distilleries. Sans doute que nous lui rappelions ses 3 fils expatriés, travaillant dans des compagnies pétrolières à travers le monde. Cette rencontre nous a confirmé notre sentiment : les écossais sont accueillants, toujours prêts à aider ou à plaisanter.

17h30 : Nous sommes à Dufftown, village fleuri, maisons en pierres sombres. Le plan se déroule sans accroc. Il ne nous reste qu’une vingtaine de minutes de marche avant d’atteindre notre zone de bivouac. Nous visitons donc le pub de la place centrale du village. 2h, 2 parties de fléchettes, 2 pintes et 2 whiskies plus tard, nous entamons la marche, quelques peu éméchés. Le Black Bottle et le Balvenie ont tenu leurs promesses. Après quelques fous rires, nous traversons un bois, qui nous mène au dit Château de Balvenie.

C’est une ruine magnifique, au cœur des collines couvertes de blés et de forêts ; er sublimée par le coucher du soleil.

Au loin, nous apercevons notre but du lendemain : Glenfiddich et sa distillerie.

 

06 août 2013 : 21h46. Aberlour.

Après un petit-déjeuner et une toilette succincte dans la rivière, nous traversons les voies ferrées du Whisky Train pour pénétrer dans la distillerie de Glenfiddich. La visite nous permet de découvrir les secrets de cette maison familiale, la plus primée. Elle est ponctuée d’averses et le guide nous apprend que l’écossais, à l’instar du breton, positive en se disant qu’il fait beau plusieurs fois par jour ! Il n’est pas encore midi, mais nous n’hésitons pas à déguster les différences entre les 12, 15 et 18 ans d’âge de la marque siglée du cerf, animal qui peuple cette verte vallée du Speyside.

Après un déjeuner où nous nous trouvons confrontés à l’étrangeté des systèmes d’ouvertures des boîtes de conserves anglo-saxonnes, nous prenons la route à pied. En direction d’Aberlour via la Isla Way, chemin de randonnée au cœur de la vallée.

Impatients, nous quittons le chemin pour tenter de couper à travers les collines. C’est un échec : bien avant d’atteindre le col, nous trouvons le chemin envahi de chardons inextricables. Cette plante n’est pas le symbole de ce pays pour rien.

Nous décidons d’explorer une ferme abandonnée, que nous avions dépassée à la montée. Nous y découvrons un squelette de bélier, sous l’escalier. Dans cette bâtisse, la nature reprend ses droits, et des plantes poussent à l’étage, baignées par la lumière passant à travers les fenêtres brisées.

Puis nous reprenons le sentier, qui longe la rivière Isla, jusqu’à Craigellachie. Arrivés dans cette localité, nous prenons à gauche jusqu’à Aberlour, en suivant le Spey. Aberlour, nom de whisky mythique, mais village sans grand prestige. C’est ici que nous allons passer la nuit, sur une belle pelouse près de la rivière.

Ce soir, le réchaud reste au repos. Ce sera Fish & Chips au bord de l’eau. Un pêcheur tente de sortir quelques truites à la tombée du jour, en vain. La pluie arrive avant la nuit, et nous contraint à nous isoler chacun de notre côté, à l’abri.

 

07 août 2013 : 22h46. Loch Ness.

Au matin, nous courrons pour attraper le bus qui nous emmène à Elgin. Cela se joue à trente secondes près ! Nous traversons la ville grise, jusqu’à la gare, où nous devons embarquer pour Inverness. Il pleut des cordes. Nous nous réfugions, dans la cafétéria d’un centre commercial, de l’autre côté des rails.

A Inverness, le château qui domine la ville ne se visite malheureusement pas : c’est un commissariat. Un crachin nous accompagne. Nous nous restaurons non loin du château, et en profitons pour rédiger quelques cartes postales. Au menu, agneau à la menthe et cheesecake.

Il est 14h, nous attrapons le bus pour Drumnadrochit à la gare routière. De ce village, hôtel à touristes en goguette au Loch Ness, nous marchons jusqu’à l’Urquart Castle. Très chère, la visite est une déception, un attrape-couillon.

De plus, le relief, accidenté, compromet notre projet de nuit au bord du Loch. Les collines se jettent quasiment à pic dans le lac. Sur le retour vers Drumnadrochit, nous décidons d’aller explorer la petite baie formée par l’embouchure des rivières Enrick et Coiltie.

Nous tombons sur un premier lit de rivière, à sec. Simon fabrique une canne à pêche avec les moyens du bord, pour tenter d’hameçonner les petits poissons piégés ça et là. La journée est bien entamée, il faut songer à atteindre les rives de la baie, notre point de bivouac. D’autant que nous y avons aperçu des gens, depuis la route. Une rencontre qui pourrait être intéressante !

Malheureusement, nous nous perdons. Nous tournons en rond. Nous revenons dans le lit asséché. Nous faisons désormais confiance à nos boussoles, et non au sentier. Direction l’est. Une rivière, nous barre la route. Obligés de quitter nos chaussures, nous prions pour ne pas déraper et finir trempé. Il n’y a plus de sentier. Nous arrivons à la baie, quelques minutes avant la nuit. Nous avons réussi !

Notre mission désormais, est de réussir à faire du feu. Nous trouvons du bois flotté. Mais pour l’allumer, malgré l’humidité, c’est une autre affaire. Nous réussissons à dénicher quelques herbes sèches qui viennent compléter le papier. Et nous avons, notre flambée ! Seul ombre au tableau, les macaronis and cheese en boîte, qui n’ont ni plus ni moins qu’un goût de vomi.

 

08 août 2013 : 21h37. Black Water.

Réveil 6h30, face au Loch Ness. Le lever de soleil est magique. Le monstre émerge doucement sous nos yeux pleins de sommeil. Evidemment ce n’est qu’un gros tronc. Nous nous laissons aller à la contemplation.

Aujourd’hui nous devons rejoindre Strathpeffer, au cœur des Highlands. Après deux bus successifs, nous arrivons dans cette petite ville thermale, peu habituée aux voyageurs dépenaillés. Mais c’est un passage obligé : dans deux jours auront lieu ici les fameux Highland Games auquel nous voulons absolument assister.

Avant cela, nous entamons une marche vers Rogie Falls, une série de cascades sur le Black Water. Nous espérons pouvoir l’atteindre et camper au bord de ce tumultueux torrent. Seulement armé de notre prospectus touristique en guise de carte, nous perdons, une fois. Puis 2. Déjà deux heures de marche et ce champ de mines, c’est la 2ème fois que nous l’avons sur notre droite… Nos nerfs sont à vifs. D’autant le que le terrain est abrupt. Le nom de « hautes terres » n’est pas galvaudé. Le paysage est complètement différent du Speyside : sec, c’est la pinède.

Alors nous décidons de quitter le sentier, nous fiant encore à la boussole pour traverser des clairières taillées par des bucherons locaux. Nous entamons une descente qui semble sans fin, jusqu’à la délivrance. Le bruit du torrent ! Un pécheur nous apprend que nous ne sommes qu’à un mile au nord des chutes.

Nous sommes cuits, après 4h de marche. Après une pause salvatrice, nous arrivons enfin aux chutes. Sur la droite, des bassins ont été aménagés pour faciliter la remontée des saumons sauvages. Franchir ces chutes devait être un bel exploit pour les saumons avant cet aménagement. Nous ne traînons pas, car il commence à pleuvoir. Nous découvrons en aval une cabane de pêcheur avec une petite berge à peu près plate, malgré les cailloux. Cela fera l’affaire. Nous n’avons qu’une envie, nous baigner pour nous rincer de cette journée.

 

09 août 2013 : 23h12. Strathpeffer.

Au petit matin, nous sommes entamons une discussion avec un pécheur : il a le même chapeau que Sherlock Holmes et une tenue stéréotypée. Il porte même une cravate ! Son accent est incompréhensible. Nous imaginons qu’il veut s’assurer que nous ne sommes pas là pour pécher sans permis. Il vient pêcher le saumon, qui remonte entre mai et octobre, avec ses deux fils. En effet, c’est un bon coin, nous en avons vu une dizaine sauter à la nuit tombée.

Ce matin, un saumon nargue un des enfants en sautant à 1 mètre de sa canne. Nous reprenons la route tranquillement vers Contin. Nous déjeunons sur une table de pique-nique devant le « community center » de la ville. Nous passons le temps en improvisant un « blind test ». Nos talents en chant sont limités et prétexte à une bonne tranche de rire. Deux anciens s’arrêtent pour discuter, très sympathiques. Nous continuons à pied vers Jameston pour rejoindre Strathpeffer. Après 20 min de galère, nous trouvons le chemin.

Arrivé à Strathpeffer, nous ravitaillons et nous nous mettons en quête de l’endroit où auront lieu les Highland Games le lendemain. C’est une grande prairie de l’autre côté du village, qui servira de stade d’un jour. Nous installons le camp non loin, au cœur de la forêt. Aux alentours, nous découvrons une scierie, ce qui nous permet de récupérer de belles buches pour le feu du soir. Depuis la soirée au Loch Ness, le feu nous est indispensable, dans les soirées fraîches et humides de cette contrée nordique.

 

11 août 2013 : 15h23. Highland Games.  

Réveil au son de la cornemuse. Il est 10h. Les Higland Games ont commencé ! Les concours de « bag pipes » individuels se succèdent aux quatres coins du « ring », l’anneau délimitant le stade sur la prairie.

Il y a aussi des concours de force avec lancer de cailloux et de marteaux, en hauteur et en longueur. Mais le plus emblématique est le jeter de tronc. Cette fois ci, il n’est pas question de hauteur ou de longueur mais de le faire tourner de 180° et de le faire retomber le plus droit possible.

Au delà de la force, nous assistons à des duels de danse, des courses à pied et à vélo, des sauts et évidemment au fameux tir à la corde. Les équipes de 8 plus 1 coach qui tient la cadence et encourage ses troupes. Les chaussures des participants sont renforcées de métal aux semelles pour mieux s’enfoncer dans le sol ! La tension est impressionnante, une manche peut durer longtemps si les deux équipes sont sur la défensive. Car la contre-attaque est le meilleur moyen de remporter la victoire.

Contrairement à ce que nous imaginions, ce genre d’événement n’est pas très arrosé. C’est une fête de village bon enfant, une sorte de mini jeux olympiques local. D’autant que tout le monde peut s’inscrire pour concourir dans les épreuves.

Les manèges et les stands de foire sont aussi de la partie et nous nous laissons tenter par des chichis, bien baignés dans l’huile. Résultat, une bonne indigestion qui nous envoie nous coucher en fin d’après midi. Finalement le citrate de bétaïne, vivement recommandé par la pharmacienne de la place Monge, n’aura pas été inutile.

Nous passons notre deuxième nuit dans la forêt.

 

12 août 2013 : 23h56. Retour vers Aberdeen.

Nous repartons de bon matin pour reprendre le bus en direction d’Inverness. Observer les écossais dans les différents bus que nous avons pris, a été le prétexte à de nombreux fous rires. Un autochtone aux oreilles particulièrement disproportionnées suffit à nous dérider.

A Inverness, nous prenons le train direct jusqu’à Aberdeen. Je prends le temps d’écrire tandis que Benoît et Simon dorment à poings fermés. La dernière étape de notre voyage consiste à traverser Aberdeen pour rejoindre l’auberge de jeunesse que nous avions repéré ; mais pas réservé. Une bonne heure de marche sous la bruine, dans des rues aux maisons de pierres grises, plus tard, nous arrivons.

La réceptionniste nous signifie que nous ne sentons pas la rose, plutôt le feu de bois. Et à notre grand désarroi, elle nous annonce que l’auberge est complète. Nous sommes un peu abattu, notre avion décolle le lendemain, il est déjà tard et se mettre en quête d’un autre endroit pour dormir serait compliqué. Nous proposons de poser nos tentes devant l’auberge sur un coin d’herbe. Ce n’est pas possible. Et puis, finalement, devant notre désespoir flagrant, la réceptionniste nous attribue une chambre dédiée aux filles, vide. C’est la libération. Nous en profitons pour prendre une douche. La première de la semaine, royale, après nos ablutions sommaires dans des rivières glacées.

Rassérénés, nous prenons la direction du centre ville pour nous sustenter. Après une longue recherche, qui nous a permis de confirmer que « Good Girls » de Robin Thick est malheureusement aussi le tube de l’été ici, nous optons pour un immense restaurant/pub, et nous nous rabattons sur des hamburgers. La gastronomie écossaise ne nous a pas paru très développée, malgré notre curiosité à son égard. Après un whiskey digestif, nous voulons découvrir les pubs de la ville.

C’est dimanche soir, l’ambiance est détendue, sans être festive. Nous buvons quelques whiskeys au comptoir, expérimentant pour la première de notre vie la fonction paiement sans contact de notre carte bancaire. De retour dans notre chambre, légèrement éméchés, Simon, dans le plus simple appareil, se distingue une fois encore, en cassant le rideau de la chambre. Terrassés par la fatigue, nous ne pouvons réprimer ce qui sera sans doute un des plus gros fous rires de notre vie. Puis nous nous endormons, épuisés et heureux de ces moments vécus, plus ou moins conformes à nos attentes.

 

13 août 2013 : 12h14. Back in Paris. 

Nous allons quitter le sol britannique dans un avion floqué à l‘effigie de Georges Best, pour le plus grand plaisir de Simon. Mais avant cela, nous avons pris un risque : mon fidèle opinel n° 8 est toujours dans ma poche. Nos bagages sont déjà en soute et je ne peux pas me résoudre à le jeter. La lame ne dépasse la taille autorisée que d’un petit centimètre. Je tente le coup et laisse le couteau replié dans mon sac. Benoît est arrêté ! Il se voit simplement contraint de vider sa bouteille d’eau… Mon sac, quant à lui, passe les rayons x sans soucis. A Aberdeen, mais également à Birmingham, où nous faisons escale avant de rejoindre Paris. Mes intentions n’étaient pas terroristes, mais la sécurité n’est pas aussi stricte qu’elle n’y paraît…

A Birmingham, nous payons notre encas avec ce qu’il nous reste de livres, écossaises. Le serveur tente de nous faire croire que ce n’est pas de la « vraie » monnaie ! Nous comprenons que ce n’est que l’expression de la rivalité entre les deux peuples grands-bretons. Mais nous n’imaginions pas y être confronté !

A Paris, nous retrouvons l’été, touchés d’avoir pu goûter à cette part des anges, qui nous avait tant inspiré.

  • Gare d’Aberdeen, le 5 août

  • Dufftown, le 5 août

  • Château de Balvenie, le 5 août

  • Glenfiddich, le 6 août

  • Loch Ness, le 7 août

  • Loch Ness, le 8 août

  • De Strathpeffer aux Rogie Falls, le 8 août

  • Black Water, le 8 août

  • Strathpeffer, le 9 août

  • Strathpeffer, le 9 août

  • Higland Games, le 10 août

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